Je vais consacrer le présent billet à un autre avantage du théorème de la cinématique keplerienne (TCK), au regard des lois de la gravitation de Newton (LN). Cette fois il va s'agir de certaines trajectoires spatiales dites « de transfert ». Un problème crucial de la mécanique spatiale, tant pour aller sur mars que pour positionner des satellites.
Les problèmes du transfert spatial
Imaginez la station spatiale internationale (ISS), située en gros à 400 km d'altitude, et un équipage d'astronautes devant la rejoindre. La première phase de l'opération consiste à lancer la fusée, puis à larguer la capsule des astronautes sur une orbite basse, disons à 150km d'altitude. Une fois cela réalisé, il faut passer à une seconde phase du vol : le transfert de l'orbite basse vers l'orbite haute de l'ISS. Et c'est là que les choses se compliquent.
A chaque orbite, circulaire pour simplifier, correspond une vitesse de rotation autour de la Terre qui est unique, et identique, pour tous les corps, quelle que soit leur masse. Cela fait que, si on envoie la capsule sur l'orbite haute, mais pas exactement sur la position de l'ISS, les deux vaisseaux spatiaux tourneront indéfiniment autour de la Terre, sur la même trajectoire, mais sans jamais se rejoindre.
Qu'à cela ne tienne, me direz-vous peut-être, il n'y a qu'à accélérer la capsule sur cette même orbite circulaire, qui est aussi celle de l'ISS. Ainsi la capsule finira par rejoindre la station. Hélas, cela n'est pas possible, comme je l'ai expliqué dans mon premier billet intitulé « L'inéquivalence d'Einstein ». Cette méthode de rendez-vous n'est pas utilisable dans la réalité, car le principe d'équivalence d'Einstein est faux.
Problème supplémentaire, que j'ai expliqué dans mon billet précédent, le calcul de trajectoire avec les LN n'est faisable qu'en connaissant au moins la périgée ou l'apogée. Ainsi, et en vous passant les détails, on ne connaît qu'une seule méthode de transfert, dont les équations sont connues analytiquement : le transfert de Hohmann. Il est représenté sur la figure suivante. La capsule doit emprunter une ellipse de transfert, dont la périgée est située sur l'orbite basse, et l'apogée sur l'orbite haute.
Donc lorsque la capsule arrivera sur l'orbite haute, à l'apogée de son orbite de transfert, il faudra absolument que l'ISS se trouve à cette même position, sinon le rendez-vous sera raté. Ces contraintes font que la capsule ne pourra décoller de son orbite basse que dans une « fenêtre de tir » assurant une arrivée synchrone avec l'ISS. C'est la fameuse « fenêtre de tir », dont vous avez certainement déjà entendu parler, qu'il s'agisse de rejoindre l'ISS, ou la planète Mars, car le problème est identique. Parfois, pour atteindre une planète il faut attendre la fenêtre des jours, des mois, et même des années. C'est une contrainte forte, mais incontournable, avec les LN.
Le TCK à la rescousse
En revanche, le TCK permet de s'affranchir de la fenêtre de tir. Je ne vais pas ici vous donner l'explication mathématique de cette nouvelle méthode, renvoyant ceux qui s'y intéressent à ce document, mais je vais vous la décrire.
Je nomme ce nouveau type de transfert « transfert de Hohmann amélioré » car, lui aussi, s'achève à l'apogée d'une orbite elliptique. En revanche il est « amélioré » car la capsule n'a plus à se trouver à la périgée de l'ellipse pour décoller de l'orbite basse. Elle peut le faire à tout instant, quelle que soit sa position sur l'ellipse de transfert. On s'affranchit ainsi de la fenêtre de tir. La figure suivante compare l'approche de Hohmann avec celle du TCK.
Dans certaines situations cependant, l'ellipse de transfert préconisée impose un crash de la capsule sur la Terre. Si la Terre était un point mathématique, ça passerait, mais comme elle possède un volume, il y aura forcément crash. Il y a donc une « zone d'ombre » qui ne permet pas, en pratique de lancer la capsule. Mais cette zone est réduite et sa contrainte est bien plus légère que celle de la fenêtre de tir. Pour un le transfert vers l'ISS qui nous intéresse, cette zone d'ombre sera levée en moins d'une demie heure d'attente.
J'ai construit un simulateur de rendez-vous qui applique ce principe. Vous pouvez l'utiliser à loisir. Vous remarquerez qu'il fonctionne sur des orbites de départ et d'arrivée circulaires, ou pas. Vous pouvez indiquer la position, l'intensité et la direction de la vitesse, pour la capsule et pour la station, puis le système calculera la trajectoire de transfert amélioré. C'est le seul calculateur de trajectoires de transfert synchrone capable de déterminer de telles trajectoires, car c'est le seul à être basé sur le TCK, et pas sur les LN.
Tout cela est fort bien, mais à quoi ça sert en pratique ? Par exemple à rejoindre l'ISS en moins de deux heures, lancement compris, ce qui est utile s'il y a un gros problème, urgent, là haut. Envoyer une sonde inter planétaire sans attendre la fenêtre de tir, intercepter au plus vite un satellite ennemi, etc.
Mais il y a plus important encore. Je consacrerai mon prochain billet à un évoquer un problème crucial, qui nous concerne tous : sauver l'humanité d'un astéroïde exterminateur qui menacerait la Terre. Nous verrons que les LN en sont incapables, mais que le TCK le peut.
HCl